Navré pour cet anglicisme, mais j’ai l’impression que le terme « flux de travail » est moins fréquemment utilisé dans le domaine. La photographie numérique d’aujourd’hui inclut bien souvent, une ou plusieurs étapes sur votre ordinateur. Par exemple pour trier tes clichés, développer un format brut (RAW), retoucher votre image ou encore la partager sur les réseaux sociaux.
Du coup, comment choisir le bon logiciel pour réaliser toutes ces tâches ? Je vais vous partager mes expériences dans le domaine et les logiciels que j’utilise actuellement. Mais avant cela, je vous propose cette semaine de détailler ensemble les différentes étapes du workflow numérique afin de mieux identifier votre propre besoin.
Les différents types de workflows
Bien entendu, chaque personne possède son propre flux de travail. Mais si je généralise un peu, il en existe selon moi deux principaux en fonction du format d’enregistrement que vous choisissez sur votre appareil photo, à savoir soit du JPEG ou du RAW.
Workflow d’un format RAW
Je vais commencer par le processus pour le RAW qui est plus complet. Voici les différentes étapes :



1. Prise de la photo
Première étape logique, la prise de vue. En shootant au format RAW, vous pouvez vous permettre de faire l’impasse sur certains réglages, car ils seront ajustables plus tard lors du développement sur l’ordinateur. Vous pouvez donc principalement vous focaliser sur deux choses : l’exposition et le cadrage de la photo.
2. Importation + catalogage
En général, vous importez vos fichiers directement depuis la carte mémoire. Il est également possible de le faire sur certains boitiers par wifi. Mais par souci de rapidité de transfert, je vous recommande de favoriser l’import en connectant la carte à votre ordinateur.
Concernant le catalogage, l’objectif est d’organiser vos images afin de les retrouver facilement. Vous pouvez donc les trier par thématique, ajouter des attributs personnalisés, les noter, etc. C’est une étape importante qui vous fera gagner un temps précieux le jour où vous aurez besoin de retrouver rapidement une image particulière.
3. Dérawtisation
Dans ce workflow, cette étape se réalise par un logiciel spécifique sur un ordinateur ou une tablette. Si je vulgarise simplement, cette opération complexe consiste à convertir votre fichier RAW en JPEG ou un autre format d’image désiré afin qu’il ressemble à une image.
L’opération de dérawtisation comprend en réalité plusieurs étapes :
- Dématriçage (plus de détails dans l’encadré ci-dessous).
- Transposition dans un espace colorimétrique (= gamme définie de couleur. Exemple : sRGB, AdobeRGB, etc.).
- Application d’un profil ICC (= carte d’identité colorimétrique de votre boitier ou logiciel)
- Application des réglages définis par l’utilisateur (balances des blancs, ajustement du contraste, etc.).
Je vais appeler pour la suite cette étape 3 « le développement » par analogie avec la photographie argentique.
Un peu de théorie supplémentaire
Le dématriçage est le processus d’interprétation des données transmises par le capteur de votre appareil photo afin de créer une image. Le capteur de l’appareil photo reçoit une certaine quantité de lumière sur des petits carrés que l’on appelle « photosite ». Il ne voit pas les couleurs.
L’étape de dématriçage va permettre de convertir cette intensité lumineuse reçue sur chaque photosite et la transformer en couleur pour ainsi créer une image. Cette conversion se fait au travers d’un algorithme qui est propre à chaque logiciel (et leur recette est secrète). Le résultat obtenu sera donc différent suivant le logiciel que vous choisirez.
En résumé, un fichier RAW est un fichier non traité et donc pas encore une image prévue pour l’affichage.
Dernières remarques :
- Votre appareil photo va tout de même faire une dérawtisation dans le boitier en automatique pour vous afficher la miniature du résultat de la photo prise à l’arrière de votre boitier.
- Cette miniature n’est bien sûr que dans un but d’aperçu sur le boitier et ne peut en aucun cas être partagée telle quelle sur internet.
4. Retouche
À la suite de cette étape de développement, il y a une étape facultative que l’on appelle la retouche. Je préfère la distinguer du développement, car bien souvent dans cette phase, il peut y avoir des modifications bien plus poussées telles que ; la suppression d’éléments ou encore le remplacement complet de zones de votre image (changement de ciel par exemple).
Vous l’aurez compris, cette étape reste destinée à un public plus ou moins expert en manipulation de l’image. Certains adhèrent à leurs méthodes, d’autres trouvent que ce n’est plus de la photo… Je vous laisse vous faire votre propre avis. Finalement, que l’image soit vraie ou non l’important c’est qu’elle vous fasse ressentir une émotion, non ? Le débat est ouvert.
5. Export du fichier
Une fois que tous les réglages sont effectués sur votre fichier RAW, vous pouvez exporter le résultat dans un format standard de lecture tel que du JPEG ou des formats non compressés comme du TIFF.
6. Partages
Dernière étape, vous avez tout loisir désormais de partager votre image exportée sur les réseaux sociaux, un site web ou de l’imprimer.
Attention, il faut connaitre en amont la sortie que vous désirez utilisée afin de prendre le bon profil colorimétrique et la résolution adaptée au support.
Avantages de ce workflow
- Plus grande plage dynamique disponible dans le fichier enregistré (voir la comparaison JPEG/RAW dans cet article).
- Moins de réglages à réfléchir lors de la prise de vue (il est possible de les ajuster après coup comme pour la balance des blancs).
- Comme chaque logiciel utilise ses propres algorithmes pour interpréter le format RAW, il est possible d’utiliser le logiciel que l’on juge le meilleur pour cette étape-là (voir ma liste de logiciels pour le développement)
Inconvénients
Nécessite un logiciel spécifique de dématriçage.
Comme plus d’informations sur l’image sont disponibles, la taille des fichiers sur la carte mémoire est plus importante également.
Il faut prendre en compte le temps de traitement de ses images avant de pouvoir les partager.
Workflow d’un format JPEG
Ce workflow est le plus léger des deux et aussi le plus fréquemment utilisé par monsieur et madame tout le monde. Il vous laisse en revanche moins de possibilités de moduler le résultat, car l’appareil gère pratiquement tout en automatique.



1. Prise de la photo
Cette fois-ci, il est important de régler correctement votre balance des blancs car elle sera figée sur le résultat final.
Veillez également à exposer au plus juste votre image, car il sera difficile de récupérer du détail dans des zones mal-exposées.
2. Dérawtisation automatique
Pas d’inquiétude pour cette étape, votre boitier s’occupe de tout ! Il va automatiquement convertir les données qu’il a récoltées et les convertir en une image qui sera directement partageable.
C’est une solution clé en main, qui vous évite de passer par un logiciel spécifique sur l’ordinateur.
3. Export du fichier
Vous ne vous en rendrez même pas compte, cette étape est simplement le résultat de la dérawtisation automatique de l’étape précédente.
4. Import + catalogage
Rien ne change pour cette étape, mis à part qu’elle arrive après la dérawtisation et l’export dans ce workflow.
5. Retouche
Étape toujours facultative même si dans ce flux de travail, je vous la déconseille vivement. Il est possible de faire des micro-ajustements sur votre image au format JPEG (c’est ce que l’on retrouve sur Instagram ou d’autres applications). Mais une modification trop grande des curseurs risque de détériorer grandement la qualité de l’image (apparition de bruits par exemple).
La retouche se fera directement sur votre fichier JPEG donc vous n’aurez pas d’étape d’export à réaliser ici (juste une sauvegarde pour écraser le résultat).
6. Partages
Dès que la photo est enregistrée dans votre boitier, vous pouvez directement l’importer sur un support (smartphone, tablette ou ordinateur) et la partager.
Avantages de ce workflow
Processus court et rapide jusqu’au partage.
Pas besoin d’un logiciel de dématriçage pour le développement.
Taille de fichier plus petite que pour les RAW (car moins d’informations sont stockées).
Possibilité d’exclure l’ordinateur du processus complet (partage des photos directement sur votre smartphone).
Inconvénients
Certains réglages sont figés lors de la prise de vue (la balance des blancs par exemple).
Moins d’informations stockées dans le format JPEG -> Il y a donc des risques de détériorer de l’image selon l’amplitude des modifications.
Vous ne pouvez pas choisir le meilleur logiciel pour traiter la conversion du fichier RAW (vous devez vous fier au boitier).
Et si je choisis l’enregistrement RAW + JPEG ?
Effectivement, cette alternative peut s’avérer très intéressante, car vous possédez les avantages des deux parties. Si vous ne voulez pas vous embêter à développer la photo, vous avez déjà le fichier JPEG utilisable pour être partager.
En revanche, si une photo vous intéresse plus particulièrement et que vous voulez faire un développement plus poussé, vous avez le fichier RAW en stock.
Attention à votre carte mémoire qui se retrouvera également plus vite remplie que simplement en choisissant un seul format.
Workflow sur les téléphones portables
Si comme moi vous aimez aussi utiliser votre téléphone portable pour prendre des photos, le workflow est identique aux deux cités ci-dessus. À une exception près, vous pouvez facilement vous passer d’un ordinateur (bien que pour le catalogage, je doute de son efficacité sur le long terme).
La plupart des smartphones shootent de base au format JPEG. Ce qui veut donc dire que c’est eux qui font la conversion de la lumière en couleur et génère ainsi une image. Votre appareil va également appliquer ses propres réglages d’amélioration de l’image (augmentation du contraste, rajout de netteté, création d’une simulation de flou d’arrière-plan, etc.). On entre dans ce qui s’appelle la « Computational Photography » (article à venir sur ce sujet).
Cette pratique est en plein boom, car elle touche à peu près tout le monde. Nous avons toujours notre smartphone avec nous, ce qui en fait techniquement l’appareil qui sera privilégié dans la majorité des cas.
Sachez également que les processeurs embarqués dans notre smartphone sont beaucoup plus puissants que ceux des boitiers photo actuels. Ce qui leur permet de faire tous ces traitements automatiques de manières presque transparents pour l’utilisateur.
Il est aussi possible de shooter en RAW sur certains smartphones. Ils offrent donc une flexibilité plus grande pour les ajustements et retouches.
Workflow chez Fujifilm



Comme vous le savez, je suis passé à 100 % chez Fujifilm récemment (j’en parlais dans cette article) et leur processus de création est quelque peu différent de la concurrence.
Premièrement, la présence de simulation de film dans le boitier permet un traitement des couleurs qui leur est propre, et ce directement lors de la prise de vue. C’est ce que j’ai appelé le profil ICC dans la dérawtisation.
La simulation de film n’est pas un équivalent à un filtre que vous rajoutez sur votre image. Cette simulation s’effectue en amont lors de la dérawtisation et non sur votre JPEG en fin de processus (comme un filtre Instagram).
Deuxième raison, la possibilité de facilement ajouter des corrections spécifiques à effectuer sur votre image lors du développement automatique du boitier. Vous pouvez ajouter des préréglages sur les ombres, la lumière, le détail, etc.
Honnêtement, c’est une pratique que je testerai de plus en plus tout en gardant un enregistrement RAW en parallèle pour garder de la flexibilité.
Quel workflow choisir ?
Je dirais que le plus important, dans un premier temps, c’est de choisir un processus qui correspondra au temps que vous comptez y investir.
Je pense qu’une bonne partie des amateurs qui ont acheté un boitier photo capture en JPEG et ne modifie jamais leur photo en post-traitement. Une question de temps ? Je ne sais pas. J’aurais plutôt tendance à dire que dans certains cas, c’est simplement qu’ils n’ont jamais pris la peine de s’intéresser au format RAW.
Par contre, si comme moi vous aimez avoir un maximum de possibilités en post-traitement, shooter en RAW est comme une évidence.
Bilan
Mon objectif aujourd’hui était de vous sensibiliser à ces deux approches de la photographie numérique. J’ai longtemps pensé que ne pas shooter en RAW était une erreur pour le photographe amateur que je voulais devenir.
J’adore l’étape de développement devant mon ordinateur et c’est clair que le format JPEG n’est pas adapté à cette partie du processus.
Par contre, je peux aussi vous dire par expérience que nombreuses sont les personnes qui se plaignent de ne jamais voir mes photos (lors d’évènements familiaux par exemple). De plus, je n’ai honnêtement pas encore traité toutes les photos que j’ai pu prendre au format RAW. Elles sont « consultables » à travers mon logiciel de développement, mais ça s’arrête là.
Donc avec le recul, je pense donc qu’il n’y a pas un unique workflow à privilégier. Cela dépendra du type de photos que vous avez prises et de votre envie d’y consacrer du temps de développement. Personnellement, mon arrivée chez Fujifilm me tente à explorer la voie du JPEG intégré au boitier afin de gagner un temps précieux sur certains types de shoots. Je vais toutefois faire du RAW+JPEG afin de garder la possibilité de réaliser les traitements moi-même si je désire le faire.
Pour mes photographies plus artistiques par contre, dont je sais qu’un développement plus poussé suivra sur l’ordinateur, je vais privilégier le format RAW sans hésitation.
Voilà un article un peu plus long que la normale, mais il fallait bien poser les bases. La semaine prochaine, nous ferons un tour d’horizon des logiciels que je vous recommande pour chacune des étapes du processus.
Tschüss !
Merci pour cet article qui m’a fait découvrir la photo en format RAW, que je ne connaissais pas. Bon … je suis un grand débutant dans la photo et à part prendre des clichés avec mon portable que généralement je ne retouche pas sauf si je les poste sur les réseaux sociaux, et là j’utilise les fonctionnalités qui sont offertes lors du téléchargement comme sur Instagram par exemple ou bien j’utilise CANVA pour retravailler l’aspect de la photo. Au plaisir de lire les prochains articles 🙏
Merci Eric pour ton passage. Super si tu as appris quelque chose!😉
Pour info, je ferai bientôt un article sur les applications que j’utilise pour shooter au smartphone.
Super article, très complet. En effet, comme tu le dis, je pense que tout dépend des photos que l’on fait et peut-être même du « photographe » que l’on est. En vacances récemment avec une amie, elle était intéressée de découvrir comment je développe mes RAW, mais en voyant le temps que ça prend, elle m’a assuré qu’elle préférait prendre ses photos en JPG pour pouvoir les partager immédiatement depuis son portable. Chacun son style et c’est très bien comme ça 🙂 Merci pour ce workflow…
Merci pour ton retour positif.
Effectivement, le développement prend plus de temps que de ne rien faire et laisser ton appareil travailler. Ton amie a raison!😊
En revanche, tu peux aussi automatiser une bonne partie de ta retouche avec des préréglages (preset) que tu pourras réutiliser par la suite.
Évidemment, chaque photo est différente, mais tu peux déjà bien dégrossir le processus tout en gardant ta propre personnalité.
Et sur une série d’images identiques, l’application multiple des réglages permet également un gain de temps non négligeable!
Tres complet , top. petite question ( le relou 🙂 ) : est ce que tu attaques direct la retouche apres avoir shooté?
Il n’y a pas de question relou. J’ai fait un blog pour pouvoir échanger et partager. Tout commentaire est le bienvenu!😉
Comme je shoote principalement avec un boitier externe, je dois importer mes images pour les retoucher.
Donc, en général, je les importe soit à la fin de ma sortie photo ou à mon retour de vacances.
J’essaye de ne pas trop tarder entre la prise de la photo et la retouche, car souvent j’ai une idée bien précise du résultat lors de la prise de vue.
Et entre nous, je sais par expérience que tu y reviendras rarement plusieurs mois plus tard.
Par contre en voyage, je fais un peu de retouche sur iPad également.
Et je trouve important de développer quelques photos sur le fil afin de corriger le tir pour les prochaines si nécessaire (et également pour la partager sur les réseaux durant le voyage).